14 novembre 2007
LA TRAGIQUE HISTOIRE DE PETER DUMÉNIL, L'ALLEMAND D'ORIGINE FRANÇAISE, MORT DANS LE PAYS DE SES ANCÊTRES.
En août 1972, à Neuve-Maison, une voisine frappe à la porte de Maurice Pilon. « Un Allemand est là ! » et elle ne comprend rien à ce qu'il raconte. Avec l'aide de Brigitte, la fille de l'ancien Maire, ce vieux monsieur appuyé sur sa canne explique alors sa présence en Thiérache. Il se prénomme Josef.
Au début de la Grande guerre, lui et sa sœur cadette ne sont que de jeunes enfants d'environ six à huit ans, pas plus. Leur père, lui, a déjà atteint la quarantaine. Certes, il est mobilisé, mais à cause de son âge, pas comme combattant. Il se retrouve donc affecté comme « territorial » à Neuve-Maison pour y surveiller le viaduc d'Ohis et éviter que la ligne de chemin de fer Guise-Hirson ne soit sabotée.
Un jour, il est pris de violents maux de ventre. Il est admis au Lazaret, l'hôpital militaire allemand implanté à Hirson. Son état empire et, comme beaucoup à l'époque, le 6 novembre 1914, voici quatre-vingt-treize ans, presque jour pour jour, il meurt, victime d'une péritonite. Comme beaucoup d'autres, il meurt sans avoir entendu sonner le cessez-le-feu d'une guerre qui se révèlera interminable.
Hanté par ce père qu'il avait si peu connu, en cet été 1972, le fils revient donc sur les lieux où le soldat a achevé sa vie. Etait-ce possible de voir le viaduc, de rencontrer des anciens, d'obtenir des renseignements sur la vie quotidienne à cette époque ? Bref, d'en apprendre un peu plus sur l'environnement et les derniers jours de son père ? Comment allaient cependant réagir les gens de Thiérache, dans cette région où les Allemands n'ont pas laissé des souvenirs particulièrement agréables ?
Là comme ailleurs, la guerre y a broyé des individus, des familles. Malgré tout, les anciens ennemis ont souvent partagé les mêmes souffrances. Le vieil homme souhaite donc visiter le cimetière allemand et, là, il se recueille devant la croix de pierre alignée parmi tant d'autres sur laquelle est gravé un nom à consonance française : Peter Duménil !
Le soldat allemand du viaduc d'Ohis est d'origine française. Un de ses ancêtres appartenait à la Grande armée de Napoléon. Après la retraite de Russie, il s'arrête à Aix-la-Chapelle où il tombe amoureux d'une jeune allemande. Il ne rentrera pas en France.
Un siècle plus tard, une autre guerre, tout aussi dramatique, va finalement sceller la vie de son descendant et, encore plus d'un demi-siècle plus tard, va amener un autre de ses descendants, malgré son âge, à marcher dans les pas de son père, à refaire à pied, sous le soleil d'août, la même route que Peter Duménil avait effectuée, malade, pour, de Neuve-Maison, gagner le lazaret d'Hirson.
Voilà pourquoi, le 11 novembre, Jean-Jacques Thomas et Brigitte Pilon ont fleuri la tombe de Peter Duménil, ce soldat ennemi, inhumé au milieu de ses compatriotes. Lui qui, tragique ironie de l'Histoire, l'Allemand d'origine française, est mort dans le pays de ses ancêtres.
Lui qui aurait pu combattre sous l'uniforme français si l'amour n'en avait décidé autrement.
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