DANS LA BOUE, SOUS LE CIEL, FRANÇOIS GUERNIER RETROUVE LES MAUX POUR LES MOTS DIRE.
« Adieu la vie, adieu l’amour, adieu toutes les femmes. C’est pas fini, c’est pour toujours, de cette guerre infâme. C’est à Craonne, sur le plateau qu’on doit laisser sa peau. Car nous sommes tous condamnés. Nous sommes les sacrifiés ». Les yeux mi-clos, bien servi par l’accordéon de Caroline Varlet et la contrebasse de Rémy Gachet, François Guernier a repris l’emblématique chanson de Craonne. Sur scène et dans la salle, l’émotion est palpable. Longtemps interdite pour être directement attachée aux mutins du Chemin des Dames, l’œuvre est désormais incontournable.
Même si son auteur demeure inconnu, à Hirson, François Guernier a choisi la version que le soldat Moignet a adressé en juillet 1917, par la Poste à sa famille de Blérancourt, échappant d’ailleurs à la censure. Quelques modifications apparaissent dans le texte, renforçant son appropriation pour ces soldats enterrés dans les tranchées axonaises. Des tranchées dont est également issu le réalisme du texte d’André Cerné sur les embusqués, lu à ses mitrailleurs, ensuite massacrés dans l’attaque du Bois de la Caillette, et de Paul Verdelet, écrit dans la tranchée de Ville au Bois, en mai 1915 ou le poème sur les poux et le copain, rédigés en mars et février de la même année.
Salle Lockwood, en fin de matinée, puis avant et au terme de la conférence d’Alain Brunet, le trio et la voix de François Guernier donnèrent à ces paroles une force qui n’avait d’égale que la qualité d’écoute d’un public touché par les maux et les calvaires endurés par tous ces sacrifiés.