LÉO LAGRANGE, SOLDAT, TOMBÉ LUI AUSSI, DANS L’ANONYMAT, A ÉVERGNICOURT, EN JUIN 1940.
A l’hommage rendu aux vingt-quatre soldats français tombés dans l’anonymat, Jean-Jacques Thomas a tenu à, symboliquement, ajouter un autre engagé à la liste gravée sur le monument du carrefour de l’Étoile. « Il vivait pas très loin d’ici, rappela-t-il, rue Engelrans, à Avesnelles. A 17 ans, il s’engage au printemps 1918. En 1940, alors qu’il n’est pas mobilisable refusant « de se réserver pour la France » comme pouvaient le faire les Parlementaires, le Député de Fourmies et ancien Ministre du Front populaire, Léo Lagrange refuse une affectation sans risque ».
Il rejoint le 61e régiment d’artillerie, une unité hippomobile alors que l’ennemi s’est, depuis longtemps, doté d’un matériel moderne. La batterie française de canons de 75 mm est traquée par les chevaux. Lors d’une attaque de Stukas, 90 % d’entre eux, stationnés au fort de Brimont, seront tués ou blessés. Sans chevaux, les soldats ne peuvent plus déplacer les pièces d’artillerie devenues, ainsi, inutilisables ou presque. A l’État-major, personne n’y a songé.
Le 9 juin 1940, aux environs de 3h45, dans l’Aisne, à Evergnicourt, le front s’embrase. A l’aube, les cadavres jonchent déjà les champs. Léo Lagrange tombe à 39 ans. Sur le bord d’un fossé, sa sépulture est surmontée d’une simple croix faite à partir de deux branches de noisetiers. Le cantonnier local l’entoure d’un faisceau de branches afin de la protéger. Quelques fougères viendront provisoirement fleurir la tombe de ce soldat, tombé lui aussi en 1940. « Ces modestes plantes des sous-bois, comme les fleurs de nos gerbes, expliqua Jean-Jacques Thomas, ressuscitent ces vies fanées et, en suivant les traces de ces soldats oubliés, juste réparation, nous les tirons de l’oubli ».