LA LETTRE ET LA MÉMOIRE DE LÉO SCHREIBER RÉVÉLÉES PAR ANAÏS.
Léo Schreiber est né le 18 août 1931 à Francfort. Il habite Paris 14 rue Louis- Bonnet lorsque le 16 juillet 1942 il est arrêté. Le 11 août, transféré à Pithiviers, avant d’être déporté, il écrit cette lettre émouvante à son père, Jules, qui, lui survivra. Devant, le monument aux morts, place Victor Hugo, avec émotion, Anaïs, élève de « Troisième découverte » au Lycée Joliot-Curie, lui a prêté sa voix :
« Cher père, je vais te raconter tout ce qui nous est arrivé depuis notre départ. D'abord, les agents qui nous ont cherchés nous ont conduits à l'école Parmentier. Puis on nous a fait attendre pour aller dans un autobus qui devait nous conduire au Vélodrome d'Hiver où nous sommes restés cinq jours. Puis on nous a traînés jusqu'à la gare d'Austerlitz pour nous mettre dans un train de bestiaux (chevaux) qui devait nous emmener à Pithiviers (Loiret) où nous nous sommes couchés sur de la paille. Nous étions toujours dans ce camp pendant deux ou trois semaines quand un trouble se mit dans le camp : on prenait des gens pour les envoyer nous ne savons où.
Nous savons seulement qu'on leur a donné pour quatre jours de vivres. Au troisième départ, maman est partie aussi. Avant de partir, on a fouillé ces personnes et maman a donné 20 francs qu'elle avait dans son porte-monnaie et elle m'avait laissé le reste d'argent qui était de 3 110 francs. Donc maman est partie sans emmener un sou. Sa bague de brillants, elle l'avait cachée dans sa bouche, donc elle a pu l'emmener sans se faire chiper sa bague d'alliance. On la lui a laissée car ce jour-là, jeudi 6, on ne prenait pas les bagues d'alliance.
Maintenant, cher père, je vais te dire aussi qu'elle avait sur elle du papier à lettres, on le lui a pris, c'est un signe qu'elle n'a pas le droit d'écrire. Albert, tout petit qu'il est, a pleuré quand on ne l'a pas laissé passer avec maman. Il s'était mis par terre dans la cour et pleurait amèrement... ».
Léo a pu écrire encore une carte à son père le 20 août 1942 : « Je n'ai pu t'écrire jusqu'à présent car nous avons été envoyés de Pithiviers à Drancy, et maman, tu dois déjà le savoir, a été déportée de Pithiviers je ne sais où. J'ai eu mon anniversaire ici à Drancy. Pour venir ici, nous avons voyagé dans des trains de bestiaux où nous étions très nombreux dans un wagon ». Sa mère, Mendia, avait été déportée par le convoi n°16. Léo et, son frère Albert, l'ont suivie deux semaines plus tard exactement par le convoi n°22 du 21 août 1942.