LA COMMÉMORATION DU 19 MARS 1962 NE RAVIVE AUCUNE PLAIE, AUCUNE BRAISE D’UN FEU MAL ÉTEINT.

Même si après le 19 mars 1962, des hommes, des femmes et des enfants sont morts en métropole et de l’autre côté de la Méditerranée, devant la stèle dédiée aux morts en Afrique du Nord, avec toutes les associations combattants qui ont d’ailleurs tenu à s’exprimer, Jean-Jacques Thomas a, solennellement, souhaité marquer le 50e anniversaire du cessez-le-feu. Toutefois, le Maire d’Hirson a également voulu rattacher cette date à 1999 lorsqu’à l’initiative du Gouvernement de Lionel Jospin et de Jean-Pierre Masseret, la France a (enfin) reconnu la guerre menée en Algérie.

« Bien sûr, ajouta-t-il, il y eut en 1968, l'attribution du titre de reconnaissance de la Nation puis, en 1974, la délivrance de la carte du combattant. Mais l’essentiel faisait défaut. En effet, comment pouvait-on appeler autrement que guerre un conflit qui a mobilisé 1 747 000 soldats, dont 1 343 000 appelés ou rappelés, 404 000 militaires de carrière qui ont servi en Afrique du Nord, principalement en Algérie, de 1952 à 1962 ? Comment oublier les 24 300 soldats morts en Algérie, dont 14 500 tués au combat ou par attentat, 7 500 appelés ou rappelés, 2 700 engagés ? Comment passer sous silence les 60 188 blessés, ni les traumatismes qui ont hanté les nuits de ceux qui sont revenus ? ».

Après avoir fleuri le monument en compagnie de ses deux collègues, Josette Gambaro, dont le mari fut mobilisé en Algérie, et de Daniel Liénard, appelé lui aussi, Jean-Jacques Thomas cita Jacques Desallangre, le 10 juin 1999, à la tribune de l’Assemblée Nationale, en parlant de « ces mères qui voyaient sonner à leur porte deux gendarmes à la mine grave. Elles qui savaient que ce ne pouvait être qu'une guerre qui allait faire qu'elles devraient barrer de noir la photo de premier communiant sur le buffet de la cuisine ».

Au regard de ces drames individuels, l’élu hirsonnais souhaita donc que l’Histoire soit assumée dans sa globalité avec ses zones d’ombres et de lumières d’autant que tous les appelés ou rappelés en Algérie sont des enfants de la guerre. Ils ont, en effet, tous passé leur petite enfance dans une France en guerre avant de partir, à leur tour, faire la guerre.

« Face à votre histoire, continua-t-il, il est grand temps, un demi-siècle après les Accords d’Evian que l'Histoire fasse son oeuvre. N’entrons donc pas dans la controverse sur la date appropriée de l’hommage rendu, ni même sur la nécessité d’une indépendance malheureusement acquise en Algérie par la violence et les armes, mais ratifiée à 90,7 % par le peuple français. Une indépendance aujourd’hui encore réclamée en Tunisie, en Egypte, en Libye et en Syrie ».

« Pas de controverse, répéta Jean-Jacques Thomas. La commémoration appelle à la réconciliation et elle sera d’autant plus belle, d’autant plus forte qu’elle n’oublie rien des tragédies et des souffrances, rien des sacrifices et des drames. Cette commémoration du 19 mars ne ravive aucune plaie, aucune braise d’un feu mal éteint. Elle marque une date de l’Histoire, de l’Histoire de France en même temps que de votre histoire ». 

Alors qu’après les interventions de Bernard Richet, pour les ACPG-CATM, Maurice Drouard, pour l’ARAC, et Bernard Béghuin, pour la FNACA ; fut rendu un hommage particulier à Pierre Charlier, Jean-Marie Delforge, Georges Malin, Jean-Claude Rasmon, Georges Jandin, Roger Lagoutte et Etienne Mur, tous tombés en Algérie, le Maire d’Hirson rappela que depuis 2004, date d’érection de la stèle, « ils occupaient enfin, comme leurs aînés de 1914, de 1940 et d’Indochine, la place qui leur revient dans notre mémoire collective ». De conclure : « sur cette pierre, comme au plus profond d’entre-nous, il permet à l’Histoire  - qu’elle soit collective ou individuelle – de trouver toute sa place et d’éclairer notre avenir. Un avenir dont les soldats d’Algérie ont rêvé pour eux-mêmes et leurs enfants. Un avenir de paix et de fraternité ».