
A l'occasion de la commémoration du cessez-le-feu, marquant la fin officielle de la guerre d'Algérie, Jean-jacques Thomas évoqua l'hommage national rendu à autre combattant.
« Il était le dernier, expliqua-t-il. Pas de la dernière guerre. De celle d'avant encore. Il en était le symbole en même temps que le dernier survivant. Alors que la France célébrera le 11 novembre le quatre-vingt dixième anniversaire de l'Armistice, à 110 ans, Lazare Ponticelli s'en est allé.
Lui, l'enfant d'Emilie Romagne, le petit ramoneur contraint de quitter son Italie natale pour survivre, engagé dans la Légion étrangère en mentant sur son âge pour, finalement, avoir le droit de vivre l'enfer.
Couvert d'honneur et de médailles, après avoir connu Soissons, l'Argonne, le Chemin des Dames et Verdun, il se distinguera également avec les chasseurs alpins dans le Tyrol.
Plus que bien d'autres, il avait le droit de parler. Aujourd'hui, il s'est définitivement tu, lui qui regrettait que le travail de mémoire sur la première guerre mondiale ait été aussi tardif.
Lui qui, chaque 11 novembre, se rendait à pied au monument aux morts du Kremlin-Bicêtre, en souvenir de ses camarades qui avaient « laissé leur peau dans les tranchées ».

Lazare Ponticelli n'avait pas souhaité qu'on lui rende un hommage particulier le 17 mars expliquant « que, pour les autres on n'avait rien fait pour eux ».
« Ils se sont battus comme moi disait-il ? Et ils avaient droit à un geste de leur vivant ».
Comme nombre de soldats anonymes, comme tous ces oubliés de l'Histoire qui n'ont fait que leur devoir, l'immigré italien n'aimait pas les élans patriotiques, ni la glorification de la guerre.
Il avait trop vu de mutilés, de gueules cassées, de blessés, lui qui, sortant de sa tranchée, avait tour à tour sauvé l'un de ses camarades en même temps qu'un soldat allemand.
Comme des millions d'autres, Lazare Ponticelli aurait dû être un soldat inconnu alors que trop longtemps il resta un soldat incompris.
Plus que sa personne, ses obsèques nationales ont aujourd'hui le mérite de susciter la réflexion. Pourquoi, en effet, en Allemagne le dernier soldat de 14 s'en est-il allé en début d'année dans l'indifférence générale ?

« Allons-nous attendre que le dernier de 40 ou le dernier d'Algérie s'en soit allé, pour que nous puissions poser un regard enfin apaisé sur les autres guerres ? » s'est encore interrogé Jean-Jacques Thomas.
« Allons-nous attendre que le dernier d'Algérie se soit à jamais tu pour regretter de ne pas avoir écouté le récit de ses froides nuits dans le Djebel, le cri du camarade tombé sous les balles du FLN ou de l'OAS ?
C'est en effet de leurs bouches même qu'il importe d'entendre le récit à la fois pudique et terrible de leurs années volées, loin de leur épouse, de leurs enfants et de leur famille.
Oui, il importe également que des noms soient gravés sur les monuments, comme ici ceux de Pierre Charlier, Jean-Marie Delforge, Georges Malin et Jean-Claude Rasmont et, depuis décembre, ceux d'Etienne Mur, Georges Jandin et Roger Lagoutte, les gendarmes mobiles hirsonnais assassinés de l'autre côté de la méditerranée ».
Pour le Maire d'Hirson, en Algérie, Tunisie au Maroc et aujourd'hui en France, il existe encore d'autres Lazare Ponticelli.
De conclure : « N'attendons pas qu'ils deviennent des ombres, des fantômes d'un conflit qui, trop longtemps, refusa de dire son nom.
C'est en leur nom, au nom de tous ces anonymes mobilisés que justement nous nous retrouvons pour que ceux d'Algérie ne deviennent pas demain les oubliés de l'Histoire ».